Esprit général
La seule évocation du terme « numérique » suffit à susciter auprès des pouvoirs publics comme des agents économiques les fantasmes les plus ardents. Il s’agit, à de nombreux égards, du phénomène le plus marquant de ce nouveau siècle ; assurément, le XXIème siècle sera celui du tournant digital. Il y a d’autant plus de fantasmes que l’objet numérique est difficile à appréhender. Historiquement, il émane d’un vocabulaire technique destiné à qualifier une suite de caractères et de nombres qui constituent une discrétisation d’un signal. Désormais, toute forme d’automatisation un tant soit peu sophistiquée, s’intègre dans son champ sémantique : d’Internet à l’intelligence artificielle en passant par le Big Data, le terrain de jeu est immense.
État, entreprises, citoyens, les impacts de la transformation numérique s’observent à tous les niveaux. Avec 85 % des foyers français connectés à Internet et 65 % des 12 ans et plus utilisateurs de smartphones, les outils numériques sont bien connus, et plébiscités par tous. D’un point de vue économique, le numérique représente 110 milliards d’euros dans notre pays, soit 5,5 % du PIB, et 1,5 millions d’emplois. À titre de comparaison, ce secteur représente 10 % du PIB au Royaume-Uni et 8 % du PIB aux États-Unis. Il paraît donc essentiel de se fixer un objectif bien plus ambitieux en adéquation avec nos moyens et spécificités nationales.
La tentation est grande, une fois découvert ce Nouveau Monde, de jouer les apprentis Christophe Colomb sans prendre le temps politique et philosophique d’en apprécier le sens. En effet, le numérique bouleverse tous les segments de l’économie mais également notre manière de vivre, de penser et d’agir.
C’est précisément pour se saisir de ces problématiques que la Fondation Concorde et les Vendredis de la Colline se sont associés le temps d’un cycle de réflexion consacré au phénomène numérique et à son impact sur la société, sur notre économie et sur l’avenir de notre pays. Nous avons organisé, dans ce cadre, une série de rencontres en présence d’intervenants aux profils et compétences divers. La présente note se propose donc de brosser les principales dynamiques qui se dessinent et de formuler quelques propositions à destination de celles et ceux qui font et feront la France.
Notre message est double : l’on ne peut se tromper à dire que le potentiel du numérique est indéniable et qu’il est annonciateur d’un virage mondial à ne pas manquer. Il importe cependant de ne pas se fourvoyer dans le « tout numérique », puisque celui-ci, plutôt que de s’imposer à nous comme un système ou comme une finalité, constitue avant tout un moyen au service du bien-être humain et des relations socioéconomiques qui structurent notre société.
Crédit photo : Chambre des députés (Parlement luxembourgeois)